Le jeu de cartes Inarrêtables !

Chief Happiness Officers

J’ai eu récemment l’occasion d’avoir des pistes de réflexion contradictoires.
Et ça, ça me plaît.

Parce que quand c’est tout lisse, sauf si c’est une boule de burrata, ce n’est pas savoureux.
Ça ne donne pas envie de croquer, d’approfondir, de plonger dans le sujet.
Là c’est tout le contraire.

D’un côté, la sociologue Eva Illouz, qui déclare : « Le développement personnel, c’est l’idéologie rêvée du néolibéralisme ».
Brutal, et assez caricatural, venant d’une universitaire.

Et aussi, pour aller dans le même sens, mais d’une façon plus poétique, Paulo Amaro nous dit : « Quand une fleur ne fleurit pas, on corrige l’environnement dans lequel elle pousse, pas la fleur ».
À moins que ce ne soit une citation de Alexander den Heijer, vu que ce sont les mêmes phrases…
Qui a copié l’autre est le benjamin de mes soucis.

Ce qui est paradoxal quand on lit leur(s) citation(s), c’est que ces deux derniers auteurs versent dans le développement personnel.
Le dev perso pour les intimes.

Et c’est précisément ce même dev perso qu’attaque régulièrement Eva Illouz.
Elle soutient que consacrer du temps à mieux comprendre son fonctionnement, à essayer d’améliorer sa situation est une sorte de repli sur soi qui va dans le sens du néolibéralisme, que je pourrais facilement caricaturer en l’appelant le « Chacun pour sa gueule ».

Mais tu as oublié quelque chose, chère Eva, c’est que réduire son niveau de stress, s’accepter, acquérir des outils pour aller plus loin n’est absolument pas en contradiction avec la capacité à s’opposer au « Chacun pour sa gueule », ou néolibéralisme pour les intimes.

Reprendre pied, s’élever, lutter contre des schémas prédéfinis est précisément très utile pour résister.

En 2015, en conclusion de ma pièce les lignes de flottaison, je déclarais ceci :

Changer, c’est politique. Ça paraît bizarre comme principe, mais je le crois, vraiment. Opérer un changement en soi a des conséquences sur notre entourage, ce qui va influencer d’autres personnes et ainsi de suite. Un des sentiments les plus agréables à expérimenter est celui où l’on sent que l’on progresse. C’est beaucoup plus gratifiant que de rentrer dans un mode de consommation pour remplir un vide.

Tout à l’heure, je vous parlais des publicités, des infos en boucle et des notifications en permanence qui nous mettent en état d’alerte, en mode scan, puis en mode survie.
Comme il y a moins de prises de risque lorsque nous sommes en état de stress ou de sur-sollicitation, cela nous fait garder nos acquis plutôt que de nous extraire d’une situation qui ne nous convient pas.

Et il n’est pas là question d’opposer militantisme, révolte nécessaire et légitime contre l’injustice versus travail sur soi qui permet de se sentir « zen » en toutes circonstances pour pouvoir tout accepter. Être conscient du niveau de sa ligne de flottaison c’est aussi garder le contrôle de son attention, y compris pour pouvoir agir plus efficacement à contre-courant !

Sans être parano, se pourrait-il qu’il y ait un intérêt politique ou économique à nous distraire – surtout pas de nous priver ! – de notre attention – à nous en  faire dévier ?

Et j’ai récemment récidivé avec la vidéo « La servitude, ce serait volontaire ? », ce qui m’a valu le joli commentaire suivant :

Réaliser que « L’attention est l’interface entre nous et le monde » est sacrément éclairant et responsabilisant vis-à-vis de celui-ci et de nos mondes respectifs (imbriqués les uns avec les autres).

Effectivement, plus d’attention, c’est plus de conscience de soi ET des autres.
Essayez de lire cette phrase en prononçant le s de plus, ou pas…
Ça marche dans les deux sens.

Alors, gardons le contrôle de notre attention pour être plus créatif (plus d’attention, plus de créativité – encore cette histoire de s à prononcer…), parce que faire preuve de créativité pour lutter contre le « Chacun pour sa gueule » risque d’être vraiment utile.

Ok, Eva, je comprends que tu critiques les Chief Happiness Officers qui installent des baby-foot et des distributeurs de jus frais pour que les employés travaillent plus dur, mieux, plus vite et plus fort (Harder Better, Faster Stronger) sans se plaindre, mais le dev perso, c’est aussi utile pour dire non.

Non à ta déclaration, par exemple.
Sans rancune.

Et vous ?
Vous en pensez quoi ?
Ça m’intéresse.

Merci de m’avoir lu,
À vendredi,
Nicolas

www.nicolasdeliau.fr
Plus d’attention, plus de vie.
Plein de petits non pour un grand OUI.

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