Divergence et convergence
Il y a deux vendredis de cela je vous faisais part de la découverte d’un mot, nouveau pour moi : Pétrichor, l’odeur de la terre après la pluie.
Je vous demandais, à cette occasion, de bien vouloir partager des mots peu usités que vous connaissez.
Merci pour vos retours.
J’ai particulièrement apprécié le mot Bigorexie, qui m’était totalement inconnu.
Si je l’avais croisé (oui, parfois, nous croisons des mots), j’aurais pensé qu’il s’agissait d’une anorexie qui touche les personnes très religieuses, ce qui les pousse à ne manger que des hosties.
Pas du tout.
La bigorexie (même mon correcteur le met en rouge…) désigne une addiction au sport avec des conséquences physiques ou psychologiques.
Autant vous dire qu’entre les hosties et les haltères, je ne pourrais pas me sentir moins concerné.
Mais ce n’est pas là où je veux aller, ce vendredi.
Là où je voudrais vous emmener, c’est vers une phrase :
On pense avec les mots que l’on a à disposition, et pas l’inverse.
Certes, mais quel rapport avec l’attention et la créativité, mes deux sujets favoris ?
Merci à toi de me poser la question, je ne savais pas comment amener le sujet.
Tu n’es pas en train de créer un dialogue factice pour faire une transition, là, non ?
Si.
À propos de créativité,
Une des théories sur son fonctionnement propose trois phases :
Une phase de récolte, pendant laquelle on collecte le maximum d’informations.
Une phase divergente au cours de laquelle l’esprit vagabonde pour créer de nouvelles associations.
Une phase convergente pour concentrer, pour concrétiser le tout.
Parce que j’aime bien le principe de : Ideas are shit.
Une idée sans concrétisation ne vaut rien.
J’en parle ici, d’ailleurs, si ça vous intéresse.
Or,
Ne partez pas, c’est là que ça devient intéressant.
Pour la phase de récolte, il faut le plus d’éléments possibles, ce qui implique, par exemple :
D’écouter au lieu de seulement entendre,
De regarder, au lieu de simplement voir,
De ralentir pour se sentir en résonance, au lieu d’accélérer et avoir le sentiment de ne pas être à sa place,
Je pourrais continuer…
La présence et l’attention sont pleinement au cœur de ces processus.
Bien sûr (et c’est là que la transition des mots vers la créativité prend tout son sens),
Il faut le plus de mots possibles pour identifier, pour désigner, pour penser, pour jouer avec toutes ces découvertes, surtout pour la suite.
La suite ?
La phase divergente.
Pour la phase divergente, il faut laisser la place à l’ennui.
L’ennui, vous vous souvenez, non ?
Celui qui a accompagné fidèlement des millions de vies,
Celui qui a permis l’apparition de mots merveilleux comme l’oisiveté ou la rêverie,
Celui que l’on redoutait parfois, que l’on chérissait ensuite,
Le vecteur et un des meilleurs engrais de la création humaine,
Tué par une armée de développeurs venus de la Silicon Valley.
Malheureusement les heures que nous passons, le regard fixe, captivé par un mini-monde qui se compte en pouces de diagonale à faire du doomscrolling, ou défilement infini (le mot scroller est maintenant dans le dictionnaire, lui) n’aident pas vraiment à laisser sa place à l’ennui.
La bonne nouvelle ?
L’ennui est mort, certes.
Mais vive l’ennui, car il ne nous restera qu’à lui laisser un peu d’espace et il reviendra.
Aussi sûrement qu’après-demain il fera jour.
Pour la dernière partie, la phase convergente,
C’est le moment de se projeter, de visualiser, d’utiliser l’enthousiasme comme moteur de la concrétisation.
Il ne s’agirait pas de se laisser distraire par des vidéos de chatons, se laisser étouffer par des infos en boucle, ni s’adonner aux charmes de la procrastination, faute de quoi :
La récolte et la phase divergente n’auraient servi à rien,
Encore une fois : Ideas are shit.
Oui. Il y a un gros mot.
Les petits mots, les mots doux et même les gros mots vivent et nous aident à penser.
Merci de m’avoir lu,
À vendredi,
Nicolas
P.S. Je suis toujours avide de mots. À vos dictionnaires personnels !
www.nicolasdeliau.fr
Plus d’attention, plus de vie.
Plein de petits non pour un grand OUI.
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